Le hasard d’une lecture, dont je ne me souviens plus, a fait surgir son nom, Théodore Monod. J’avais dix-huit ans. Puis, le désert a fait le reste. Je ne le savais pas encore, mais c’est bien Dieu m’a offert la grâce, quelques semaines après, de rencontrer un de ses amis, Georges Duchemin – un photographe infatigable, lui aussi amoureux transcendantal des étendues minérales. C’était à Metlili Châamba, en Algérie. Il m’a proposé de rester vivre là une année et de goûter plus avant au désert. Je n’ai pas osé ; je devais poursuivre mes études.
Par les récits de Georges Duchemin, Théodore Monod prenait chair : l’image qui s’est incrustée en moi fut celle du marcheur. Un homme, sac sur le dos, parcourant le Sahara pendant des décennies, le regard rivé vers un horizon intérieur autant que minéral. Sa silhouette simple, presque effacée, était l’écho parfait de cette immensité dépouillée. Je découvrais des photos de lui, et j’étais saisie par la manière dont le silence, la lumière et la présence de Dieu étaient palpables.
Quelques années après, j’ai appris le désert. Avec mes yeux, avec mes pas. Et j’ai su, au plus profond de moi que le désert nous ramène à l’essentiel. Il nous dépouille de nos futilités pour nous confronter, brutalement et merveilleusement, à nous-mêmes et à l’Absolu. Pour Théodore Monod, c’était le lieu de la rencontre ultime. Il écrivait, et je ressentais la vérité de ces mots sur ma propre peau :
« Le désert est un lieu de rendez-vous, celui de l’homme avec Dieu. Là, plus d’excuses, plus de foule où se dissimuler, plus de bruit où noyer sa peur. Le désert est nu, et l’homme aussi. » (Méharées)
Cette nudité n’était pas une privation, mais une libération. Et dans le grand silence qui enveloppe tout, je comprenais enfin qu’il n’était pas un vide, mais une présence attentive.
« Le silence du désert n’est pas un silence de mort, mais un silence de recueillement. C’est un silence qui écoute. » (Méharées)
Je lis en ce moment Théodore Monod, un homme de foi de Nicole Vray, et c’est précisément la confirmation éclatante que tout, chez lui, jaillissait d’une source unique : l’Amour de Dieu. Sa foi n’avait rien d’une conviction tiède ou confortable. C’était un incendie qui a alimenté tout son être et guidé ses pas, ses recherches scientifiques, et constituait la clé de voûte de toute sa vie.
Sa foi était un combat, une aventure exigeante qui n’éludait ni le doute ni la nuit. Il le confessait avec une humilité qui me bouleverse :« La foi n’est pas une assurance tout-risques contre le doute. C’est un combat. C’est parfois la nuit, l’aridité, l’angoisse. Croire, c’est tenir, malgré tout. » (Et si l’aventure humaine devait échouer)
Sa vie entière fut une longue marche. Une marche physique, bien sûr, à travers des milliers de kilomètres de sable et de pierres, une quête scientifique jamais assouvie. Il avait compris que le chemin compte autant que la destination, que la quête elle-même est une forme de réponse. Le désert, avec ses mirages et ses oasis, ses épreuves et ses grâces soudaines, était la parfaite allégorie de cette vie de foi. Il fait écho à ce verset du prophète Osée que j’aime tant : « C’est pourquoi voici, moi, je veux l’attirer et la conduire au désert, et je parlerai à son cœur. » (Osée 2, 16). Et dans le Psaume, cette soif qui est celle du marcheur : « Ô Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube. Mon âme a soif de toi ; après toi soupire ma chair, dans une terre aride, desséchée, sans eau. » (Psaume 63, 2).
Ainsi marchait Théodore Monod. Il m’a marquée plus que je ne le croyais, j’en prends conscience ces jours-ci. Un homme qui, en cherchant avec une rigueur absolue les secrets de la Terre, a trouvé les traces du Ciel, l’amour de Dieu et de son prochain :
« Le désert est une attente. Une attente qui n’est jamais déçue. Car on n’y rencontre peut-être pas ce que l’on cherchait, mais on y rencontre toujours quelqu’un : soi-même. Et parfois, l’Autre.» (Méharées)
J’aime le Sahara, et j’ai une compassion particulière pour les peuples qui l’habitent. Comment être un témoin, à mon humble place, de cette Présence qui habite le silence et un pont de compassion entre les humains ? Franchement, pour l’instant je ne le sais pas, mais je sais que Dieu a pour chacun de ses enfants un avenir et une espérance !
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