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Je suis née avec une sensibilité particulière au langage, à sa musique, à ses résonnances. Dans le paysage chrétien contemporain, une expression ne cesse de revenir, qui me fait invariablement tiquer : « Sens-toi libre. »

Prononcée avec les meilleures intentions du monde, elle porte en elle un paradoxe qui m’interpelle. Comment peut-on convoquer à la liberté ? N’est-ce pas là un oxymore, une contradiction dans les termes ?

L’apôtre Paul, dans sa lettre aux Galates, pose un fondement bien différent de cette injonction. Il ne dit pas « Sens-toi libre », mais il proclame une vérité libératrice qui précède tout sentiment : « C’est pour la liberté que le Christ nous a libérés. Tenez donc ferme, et ne vous remettez pas sous le joug de l’esclavage » (Galates 5:1). Entendons-nous bien, la liberté n’est pas un devoir à ressentir, mais un état de fait en Christ, un don à recevoir et dans lequel il nous faut « tenir ferme ».

Et si nous étions attentives et attentifs au piège de l’injonction paradoxale… Il me semble que « Sens-toi libre » fonctionne comme ces autres injonctions modernes : « Sois spontané ! », « Détends-toi ! ». Dès qu’on essaie d’obéir à ces commandements, on entre dans une sorte de performance qui annule l’état recherché. « Sens-toi libre » risque de créer l’effet inverse : une nouvelle pression, un nouveau standard à atteindre pour être « un bon chrétien, une bonne chrétienne ». La liberté devient alors un devoir, une attente à satisfaire et donc l’exact contraire de la liberté authentique que nous a donné la naissance « d’en haut », cette liberté en Christ qui n’est pas un concept à saisir mais une respiration à accueillir, comme l’oiseau accueille l’air qui le porte sans même y penser.

Cette liberté est précisément décrite par Paul comme une réalité de l’Esprit, bien au-delà de la lettre qui, elle, enferme. « La lettre tue, mais l’Esprit vivifie » (2 Corinthiens 3:6). L’injonction « Sens-toi libre » relève souvent de la « lettre » – un concept religieux à appliquer – tandis que la vraie liberté est le souffle même de l’Esprit Saint, qui crée en nous une relation filiale spontanée avec le Père. La liberté spirituelle jaillit ainsi de la présence même de l’Esprit en nous.

Cette sensibilité m’alerte lorsque le langage du cœur cède la place au langage ritualisé. Et pour cause : je perçois rapidement comment un langage codé peut devenir un écueil, créant un repère qui, sans le vouloir, exclut.

Dès les premières publications de l’Ouvroir des cœurs, une sœur en devenir en Christ m’a encouragée en partageant ce qui faisait, selon elle, la force de ce lieu de partage.  Elle m’a dit : « Ce qui est précieux dans les articles, c’est que le propos est accessible. Cette simplicité rapproche directement et plus facilement du Cœur du Père. » Son retour mettait en lumière un piège courant : celui du « jargon » spirituel. Sans même s’en rendre compte, ceux qui les emploient peuvent créer un cercle d’« initiés ». Le risque est alors d’exclure involontairement toute personne qui ne comprend pas ces codes, comme ceux qui découvrent la foi ou qui la vivent de manière plus simple. L’objectif de l’Ouvroir des cœurs est justement de dépasser cette barrière pour que le message soit accueillant pour tous.

Cette valeur d’accessibilité est profondément biblique : « Vivante, en effet, est la parole d’Elohîm, énergique et plus tranchante qu’une épée à deux tranchants » (Hébreux 4:12). Sa puissance n’est pas dans un jargon complexe, mais dans sa nature vivante et tranchante, capable de toucher (ou non) tout être humain, quel que soit son niveau d’instruction théologique. Le langage de l’amour, auquel nous sommes appelés, doit avoir cette même qualité : simple, direct et pénétrant jusqu’à l’âme.

La véritable liberté commence peut-être ici : dans le courage de désapprendre les automatismes langagiers pour retrouver la fraîcheur d’une parole authentique, personnelle, incarnée.

Puisse notre parler être un pont entre nos cœurs et le Cœur du Père (grâce à notre amour de YHWH Adonaï / Yeshoua et notre amour partagé entre nous) et nos intentions se traduire en mots de vie.