Si on m’avait dit que j’écrirais un jour sur le tableau accroché à l’un des murs de ma chambre secrète, j’aurais probablement répondu : « Sûrement pas ! » Et pourtant, nous y sommes.
Vincent van Gogh a peint Branches d’amandier en fleurs en février 1890, à Saint-Rémy-de-Provence, où il était interné volontaire à l’asile Saint-Paul-de-Mausole. Cette toile, offerte à son frère Théo, célébrait une naissance : celle de son neveu, Vincent Willem. Le choix de l’amandier n’était pas anodin. C’est l’un des premiers arbres à fleurir à la fin de l’hiver, souvent dès février, annonçant le printemps avec une fragile et éblouissante précocité. Pour Van Gogh, cet arbre symbolisait l’espoir, la vie nouvelle et la promesse.
Pourtant, cette période était profondément ambivalente. Quelques mois seulement avant sa mort en juillet 1890, Van Gogh a peint cet amandier en fleurs, comme une sorte d’acte de foi pictural. C’est une beauté conquise de haute lutte, une affirmation de la vie et de la création au cœur même de la tourmente mentale. Chaque coup de pinceau semble dire : Même ici, même maintenant, la beauté éclot.
L’amandier possède en effet une résonance biblique puissante. Il est mentionné plusieurs fois, notamment dans le livre de Jérémie (1:11-12) : « La parole de YHWH Adonaï me fut adressée, en ces mots : Que vois-tu, Jérémie ? Je répondis : Je vois une branche d’amandier. Et YHWH Adonaï me dit : Tu as bien vu ; car je veille sur ma parole, pour l’exécuter. »
Récemment, j’ai appris qu’en hébreu, le mot pour « amandier » (shaqed) est très proche de celui pour « veiller »(shaqad). L’amandier, qui « veille » à fleurir le premier, devient ainsi le symbole de YHWH Adonaï qui veille à accomplir ses promesses. C’est un arbre de la fidélité divine, de la promesse tenue même après un hiver apparent. Pour Van Gogh, fils de pasteur et lecteur assidu de la Bible, cette symbolique était possiblement consciente. Sa peinture transcende le simple motif naturel pour devenir une méditation sur la vigilance, l’espérance et la présence fidèle au cœur de l’épreuve.
Cette copie de son tableau accrochée dans ma chambre secrète agit comme un ancrage visuel. Elle me rappelle la cyclicité des saisons – que l’hiver, qu’il soit météorologique, émotionnel ou spirituel, n’est pas une fin en soi. Afficher cette œuvre, c’est également affirmer que la beauté est une forme de résistance et de foi. C’est aussi un rappel quotidien qu’Il veille, à la manière de l’amandier de Jérémie. Chaque fois que nécessaire, ce magnifique tableau m’offre dans son élan esthétique et spirituel la leçon dont j’ai besoin : la floraison est à venir.
Ainsi, Branches d’amandier en fleurs devient un pont jeté entre la nuit de l’âme et la certitude de l’aube, entre la croix et la résurrection, un témoignage silencieux et éclatant que la vie, obstinément, a le dernier mot. Car ainsi en a décidé Celui qui a formé les amandiers, Van Gogh, vous et moi.
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